Projets 2017

P2IO finance régulièrement des projets autres que les grands projets du type emblématique ou flagship. 5 projets R&D ont été financés en 2017 : les projets PEPITES, ACP, BASKET, Cherenkov Lab et CATTISA.

 

PEPITES

M. Verderi (LLR)

La délivrance de dose en protonthérapie requiert une mesure précise et continue des propriétés du faisceau : intensité, position et profil. En traversant les matériaux constituant un moniteur, le faisceau subit une dispersion qui doit être circonscrite à un étalement latéral submillimétrique au niveau du patient pour être tolérable. Pour des moniteurs situés quelques mètres en amont du patient, cette contrainte induit un budget matière inférieur à 15 µm équivalent-eau (Water Equivalent Thickness, ou WET). De plus, la présence continue du moniteur dans la ligne de faisceau implique une bonne tenue aux radiations. Si les intensités des faisceaux utilisés dans le domaine médical sont relativement faibles (quelques nA), le temps d'exposition prolongé induit des doses intégrées de l'ordre de 106 à 108 Gy par an.

Le projet PEPITES développe un prototype entièrement fonctionnel de moniteur ultra-mince (10 µm WET) pour des faisceaux de particules chargées, répondant à ces contraintes et capable de fonctionner en permanence sur accélérateurs aux énergies intermédiaires (O(100 MeV)). Le moniteur exploite le phénomène d'émission d'électrons secondaires pour le signal. Des pistes d'or de 50 nm d'épaisseur sont déposées sur un substrat ultra-fin de polyimide. Lorsque le faisceau traverse les pistes, le signal d'électrons secondaires est généré, et est lu pour chaque piste indépendamment, permettant ainsi la mesure du profil latéral du faisceau.

La dotation PEPITES du R&D 2017 du LabEx P2IO a été utilisée pour explorer 2 axes de recherche : la tenue des matériaux envisagés pour la construction du prototype aux radiations et la mesure du signal d'émission d'électrons secondaires aux énergies thérapeutiques (100-230 MeV).

Des études de tenue aux radiations des matériaux ont été effectuées auprès du cyclotron Arronax (Accélérateur pour la Recherche en Radiochimie et Oncologie à Nantes Atlantique, GIP). Des échantillons de Kapton de 8 µm d'épaisseur ont été irradiés avec plusieurs choix de fluence des faisceaux de protons de 68 MeV. Les analyses subséquentes (spectrométrie UV visible et IR, MEB) ont montré que bien qu'ayant subi des dommages, les substrats polyimide exhibent des propriétés de tenue aux radiations à même de satisfaire les exigences d'exposition envisagées pour notre détecteur. Ces résultats furent présentés lors de la conférence ECAART et publiés (Nuclear Inst. and Methods in Physics Research, B (2020) Vol. 466, pp. 8-11, https://doi.org/10.1016/j.nimb.2020.01.003).

Nous avons également effectué une campagne de prise de données pour l'étude du signal d'émission d'électrons secondaires au CPO (Centre de Protonthérapie d'Orsay, Institut Curie). Le détecteur, plongé dans une enceinte reliée à une pompe assurant un vide de 10-4 mbar, a été irradié avec des faisceaux de protons d'énergies variant entre 100 et 230 MeV, avec une intensité de 2 ou 3 nA. Le signal a été mesuré autant en mode dit « forward » (électrons émis dans la direction de propagation des protons) ou « backward » (émission dans la direction opposée) en faisant tourner le bras isocentrique autour de notre enceinte sise sur le lit du patient. Des mesures complémentaires à des énergies plus faibles (17-70 MeV) sont toujours en cours au cyclotron Arronax et un article de référence combinant ces résultats sera publié.

Dispositif expérimental pour le test en faisceau au CPO

 

 

Accelerated Computing for Physics (ACP)

G. Grasseau (LLR)

Objectifs :

Promouvoir les projets de calcul intensif (HPC) de notre communauté en exploitant le parallélisme et/ou le calcul sur accélérateur en tenant compte plus particulièrement :

  • de l'adéquation entre la pertinence scientifique des projets et le calcul intensif,
  • de la pérennité des développements (modèles de programmation, portabilité, variabilité des résultats),
  • du renouvellement perpétuel des technologies (hardware/software),
  • du contexte des environnements d'exploitation des ressources de calcul (conteneurs),
  • de l'acquisition de compétences dans le calcul HPC au sein de notre communauté

Réalisations :

Les membres du projet ACP se sont rapidement orientés vers une technologie de cartes accélératrices GPU et FPGA avec comme nœuds hôtes, des processeurs de différentes architectures (AMD/Intel).

A - Projet R&D environnement/exploitation

Considérant la grande variabilité des contextes d'exécution des projets applicatifs d'ACP, la conteneurisation (essentiellement par le biais de singularity) des systèmes et des environnements a été indispensable, comme par exemple :

  • les nouveaux outils pour les FPGA (SDAccel, Vitis),
  • les piles logicielles pour les applications ACP en Deep Learning (TensorFlow, Keras, PyTorch),
  • le système de compilation PGI/CUDA/Fortran nécessaire au projet "Astrophysique Nucléaire",
  • le contexte pour exploiter le framework de simulation de transport MC Flair/Fluka,
  • Qiskit pour les simulations sur ordinateur quantique (exploite les GPU),
  • la suite logicielle astromatic dédiée aux applications en astronomie/astrométrie.

Du côté de l'exploitation des applications, un système de réservation de ressources privilégiant les tests de performance et les productions légères a été mis en place. De même innate, un gestionnaire de déploiement sur GPU de nos applications en Deep Learning, particulièrement adaptée pour l'optimisation bayésienne, a été mis en œuvre pour exploiter simultanément toutes les ressources de calcul allouées (GPUs et CPUs). 

B - Projets de R&D applicatifs

Les projets de simulation et d'analyse des partenaires sont très diversifiés. Ils vont de l'adaptation de l'implémentation aux architectures avec une phase d'optimisation jusqu'au développement intégral sur les 2 plates-formes ACP. Liste des principaux projets :

  • Projet PATMOS (SERMA) : simulation MC de transport neutronique, déploiement sur des architectures hétérogènes, évaluation de différents modèles de programmation (CUDA, OpenMP, OpenACC, Kokkos)
  • Projet "Simulation en Astrophysique Nucléaire" : simulation de supernova, développement sur GPU/OpenACC/Fortran
  • Projet "Tracking with Kokkos" : algorithme de reconstitution des traces dans nos détecteurs, déploiement sur CPUs et GPUs
  • Projet SMILEI : simulation de plasma pour une large gamme d'études (laser-plasma, astrophysique, etc.), phase d'implémentation sur GPU du code déjà massivement parallèle
  • Projet "Evaluation des modèles de développement sur FPGA" : banc d'essai de noyaux de code OpenCL évalués dans un contexte Xilinx SDAccel, puis Vitis (orienté Deep Learning)
  • Projets CMS/HGCAL & Deep Learning : localisation et classification des gerbes (électromagnétiques/hadroniques) dans le détecteur HGCAL (développement PyTorch)
  • Projet d'analyse du boson de Higgs (canal ttH) : développement, finalisation des développements et préparation des runs de production au CC-IN2P3 (jusqu'à environ 30 GPUs simultanément)
  • Projet ESCULAP : simulations d'accélération laser-plasma d'électrons relativistes, analyse en performance du code FBPIC déployé sur les 2 GPU de la plateforme.
Simulation d'un évènement dans le sous-détecteur HGCAL : dépôts d'énergie (échelle logarithmique). En haut à gauche, localisation et classification de gerbes en 2D par le modèle Mask-RCNN (association de 6 CNNs hiérarchisés)

 

 

Bolometers At Sub-KeV Thresholds (BASKET)

M. Vivier (Irfu/SPP)

Présentation du projet :

Le projet BASKET (Bolometers At Sub-KeV Thresholds) vise à explorer la technologie des bolomètres scintillants pour les appliquer à la détection du processus de diffusion cohérente des neutrinos sur noyaux (DCNN). La DCNN est un nouveau processus de détection des neutrinos de basses énergies (≤ 50 MeV) qui présente une section efficace jusqu'à 1000 fois supérieure à celles des canaux de détections classiques [1], permettant d'entrevoir à terme une possible miniaturisation des détecteurs de neutrinos. Ce processus est d'autre part sensible à un large spectre de nouvelle physique : recherche de neutrinos stériles légers, mesures des propriétés électromagnétiques du neutrino, tests fins du modèle standard électro-faible aux basses énergies, etc.

Depuis sa première observation en 2017 par la collaboration COHERENT, les programmes expérimentaux visant à mesurer précisément ce processus auprès de réacteurs nucléaires se sont intensifiés. Les défis expérimentaux sont multiples car il faut pouvoir mesurer les très faibles reculs nucléaires (typiquement en-dessous du keV, voire 100 eV) induit par la diffusion cohérente d'antineutrinos de réacteur [2]. D'autre part, les conditions de bruits de fond qu'offre un site expérimental à proximité d'un réacteur sont généralement très défavorables, et nécessitent donc des détecteurs rapides capables de discriminer ces derniers jusqu'aux plus basses énergies.

Le projet BASKET poursuit ainsi deux axes de recherche : la conception de nouveaux cristaux permettant un rejet actif des bruits de fond via une double lecture chaleur/scintillation, et les tests de capteurs thermiques haute performance pour améliorer la rapidité et le seuil en énergie des détecteurs.

Actions réalisées et résultats :

La première action du projet s'est tournée vers l'étude de nouveaux cristaux en tungstate de lithium LWO. Le choix de ce matériau n'est pas anodin, car il contient à la fois un élément lourd (le tungstène) très favorable pour la détection de la DCNN, et un élément permettant l'identification des bruits de fond neutrons, à savoir le 6Li via la réaction n + 6Li → α + 3H. Les tests d'un premier cristal d'environ 8 grammes, couplé à un senseur thermique et à un détecteur de lumière se sont montrés très concluants, démontrant de bonnes propriétés bolométriques et de scintillation, et avec une très bonne discrimination des bruits de fond α/β(γ) [3].

Fort de ce succès, l'équipe projet a engagé un partenariat avec le laboratoire de Science et Ingénierie des Matériaux et Procédés (SIMAP) de Grenoble pour la croissance de cristaux LWO. L'objectif est de développer et de pérenniser une filière de production en France, en vue d'un possible enrichissement avec du 6Li. Le premier cristal LWO a été obtenu au SIMAP, d'une masse approximative de 130 g (dimensions approximatives Ø=3.5 cm, H=3 cm), et devrait être testé avant la fin de l'année 2020.

Premier cristal de LWO, testé dans les laboratoires d'IJCLab. (1) Senseur thermique (Ge-NTD) (2) Générateur de chaleur pour stabiliser la réponse thermique du cristal

Pour terminer, l'équipe conduit en parallèle une étude comparative sur différents types de senseurs thermiques pour la lecture du signal chaleur. Les études se concentrent sur trois types de senseurs : les thermistances de type Ge-NTD (Germanium-Neutron Transmutation Doped) et Si-dopé (Phosphore et Bore) ainsi que des MMCs (Magnetic Metallic Calorimeter). Pour chacun de ces senseurs, les performances en terme de seuil, de temps de réponse et de discrimination des bruits de fond sont évaluées [4]. Une étude sera aussi menée sur l'optimisation de la taille et de la géométrie des cristaux afin d'aboutir à un premier prototype répondant aux objectifs fixés.

[1] D. Freedman, PRD 9, 1389-1392 (1974)

[2] G. Angloher et al., EPJ C 79, 1018 (2019)

[3] A. Aliane et al., NIMA 949, 162784 (2020)

[4] B. Mauri et al., NEUTRINO 2020, https://nusoft.fnal.gov/nova/nu2020postersession/pdf/posterPDF-386.pdf

 

Cherenkov Lab

V. Puill (LAL)

Contexte :

En Physique des Hautes Energies (PHE), l'identification de particules peut être réalisée en utilisant la technique de temps de vol : cette procédure requiert une mesure simultanée du moment de la particule et de sa vitesse via une mesure de temps. Cette méthode est particulièrement adaptée pour l'identification de particules (par ex. la séparation pion/kaon) de quelques centaines de MeV à quelques GeV. La mesure peut être faite avec les chaînes de détection Cherenkov : en se déplaçant dans un milieu, une particule chargée perturbe les couches électroniques de chaque atome rencontré, produisant de la lumière qui est ensuite détectée par des photo-détecteurs. L'avantage principal de la lumière Cherenkov (en comparaison avec la scintillante) est qu'elle est émise instantanément le long de la trajectoire de la particule dans le matériau.

Une autre application du détecteur Cherenkov dans le domaine de la PHE est la détection et la mesure de la vitesse d'un faisceau de particules dévié/extrait.

Projet :

Dans le projet Cherenkov Lab, des études et des développements ont été réalisés afin de produire une chaîne de détection capable de compter d'une seule à plusieurs centaines de particules avec une précision de 5 % à 15 % et une résolution temporelle de 30 à 50 ps (en fonction du nombre de particules incidentes). L'appareil est conçu pour travailler dans un environnement radiatif hostile (1012 n.cm-2) et, dans le cas de la caractérisation d'un faisceau de particules, pour être compatible avec l'ultravide (1012 mbar).

Les principales sources d'inexactitudes de ce détecteur étant la génération et la collecte de la lumière dans le radiateur ainsi que le temps de transit du photo-détecteur, des études ont été menées pour optimiser le rendement lumineux (propriétés du radiateur et géométries, couplage au photo-détecteur), l'intégration mécanique via une bride métallique et la mesure de la résolution temporelle de différents photo-détecteurs a été réalisée (SiPM-PMT).

Le choix de la nature du radiateur qui produit la lumière Cherenkov et de ces géométries est crucial. Des dizaines de simulations basées sur GEANT4 ont été faites pour optimiser la géométrie du détecteur dont trois ont été testés au CERN avec des faisceaux de pion (Figure 1).

Figure 1 : Exemple de géométries de radiateurs Quartz simulés (GEANT4) et testés avec un faisceau de pions

L'intégration mécanique du radiateur et de la bride possédant le tuyau du faisceau (sous vide dans le cas de contrôle du faisceau) est un challenge technique (figure 2). Un procédé spécial a été développé, en collaboration avec une entreprise, pour la brasure de barreaux de quartz avec des brides à vide. La diminution résultante du rendement lumineux étant du même ordre de grandeur que celle mesurée lorsque la lumière produite à l'intérieur du quartz passe à travers la vitre en contact avec le photo-détecteur, cette méthode n'a pas été choisie pour la chaîne de détection finale.

Figure 2 : Barre de quartz soudée avec de l'Indium via une bride en Titane

SiPM (1 nm2 et 9 mm2) d'HAMAMATSU, KETEK et AdvansiD et MPC-PMT d'HAMAMATSU, BURLE et PHOTEK ont été testés; la meilleure résolution temporelle d'un seul photoélectron a été mesurée avec le MCP-PMT de PHOTEK (MAPMT228) et BURLE (XP85012) avec respectivement 45 et 55 ps.

Une chaîne complète (figure 3) placée à l'intérieur du tube du faisceau de l'accélérateur SPS au CERN permet de compter de 1 à 309 protons incidents.

Figure 3 : Radiateur pyramidale "couplé" à un PMT via une fenêtre en quartz et lecture par un module WaveCatcher. Le tracé montre l'histogramme de l'amplitude du détecteur pour un unique proton incident

 

 

CATTISA

D. Longuevergne (IPNO)

La caractérisation complète des traitements thermiques et de surface innovants pour l'amélioration des performances et de la fiabilité des structures accélératrices supraconductrices et des chambres 'faisceau' demande des moyens d'analyses de surface conséquents. En effet, il est important de noter que de nombreux phénomènes limitant les performances des accélérateurs sont directement liées aux interactions entre des particules (électrons, ions, photons) et la surface du matériau constituant les parois des chambres à vide ou des cavités supraconductrices radiofréquence, par exemple.

La nature du matériau ainsi que la morphologie et la chimie de surface peuvent directement impacter le comportement global des composants dans un accélérateur. Le paramètre de surface crucial pour limiter ces effets est le coefficient d'émission électronique secondaire (SEY). Le projet CATTISA a permis de financer l'amélioration du bâti de test de SEY du laboratoire IJCLab avec en particulier, l'achat d'un porte échantillon chauffant et d'un système d'introduction d'échantillon sous vide.

Bâti de test d'émission électronique secondaire à IJCLab

Le rendement de production des électrons secondaires sur du cuivre constituant l'écran faisceau du LHC a été réalisé dans ce bâti de test afin d'identifier le rôle joué par la chimie de surface du cuivre sur le rendement d'émission électronique. Le rôle fondamental de composés chimiques sur la surface (contaminants, présence de carbone amorphe et d'oxydes natifs) sur le rendement de production des électrons secondaires a pu être mis en évidence. 

De nombreuses activités ont également été faites sur les dépôts par "Atomic Layer Deposition" (ALD) et dopage du Niobium massif telles que :

  • L'étude des effets barrières de protection à la surface Nb (meilleur facteur de qualité après dépôt ALD + traitement thermiques)
  • L'amélioration du banc de test pour la mesure des propriétés supraconductrices des futures couches déposées par ALD (installation et test d'une cage de Faraday)
  • Le dopage alternatif par couches isolantes
  • Le dopage par injection d'azote gaz (installation d'un filtre chimique au niveau de la ligne d'injection de gaz pour éliminer la contamination en carbone de la surface).

En conclusion, le financement P2IO CATTISA a permis d'améliorer les moyens d'analyses et de traitement de surface (four, banc, ALD...) commun entre IJCLab et l'IRFU essentiels pour les activités sur les traitements de surfaces alternatifs pour l'amélioration des composants accélérateurs du futur.

 
#103 - Màj : 04/03/2022

 

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